Penser Demain

Marie Ekeland
6 min readJan 12, 2019

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Pour ne pas oublier l’histoire qui nous construit, j’ai ici consigné le texte de présentation du projet “Penser Demain” que j’ai voulu porter dans le cadre de ma Présidence du Conseil National du Numérique, et qui a été publié par Konbini le jour de ma nomination, le 11 décembre 2017.

Penser demain. C’est la nouvelle mission Conseil National du Numérique, telle qu’elle m’a été confiée par le Secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi. Simple à énoncer, complexe à réaliser, c’est pourtant vital. Surtout dans un contexte où la révolution numérique nous confronte à des défis multiples : démocratiques, éducatifs, sociaux, économiques, culturels, sanitaires, financiers, écologiques, …

Tous les pans de notre vie sont traversés par les transformations profondes liées à la révolution numérique. Ce mouvement est mondial et bouscule nos sociétés. La manière et le rythme avec lesquels la France et l’Europe l’accueilleront définiront précisément leur capacité à bâtir des équilibres justes. Mais sommes-nous prêts ? Comment prendre les meilleures décisions dans ce moment d’accélération et d’envergure inédit ?

Il nous faut penser demain car il se construit aujourd’hui. La technologie est un moyen. Ne compte que ce que nous en ferons. Ce moment est historique. La France est reconnue mondialement pour ses talents créatifs, scientifiques ou entrepreneuriaux. Peut-elle également imaginer et proposer sa vision de l’avenir technologique, c’est-à-dire sa propre vision du progrès ? Comment construire collectivement ce monde numérique de demain ? Comment faire en sorte qu’il soit, pour tous, juste, durable, sûr et heureux ?

C’est à ces questions que nous tenterons de répondre en les rendant accessibles au plus grand nombre. Car bien au-delà de ses aspects techniques, la révolution numérique concerne l’ensemble de la société française, dans toute sa pluralité. Ma conviction a été dès le départ qu’il fallait profiter de cette diversité pour écouter des voix que nous n’avions pas l’habitude d’entendre sur les sujets numériques, offrant un regard concret sur les impacts de ces transformations dans nos vies quotidiennes. Il est temps de quitter les seuls débats d’experts et de nous mettre au plus près de la réalité des hommes et des femmes, de leur quotidien, de leur avenir et de leurs droits. Chaque jour, cette transformation numérique fulgurante nous pousse à de nouveaux arbitrages. Il nous faut garder une hauteur de vue, anticiper les implications de nos choix, replacer nos discussions au cœur de la société. Car c’est d’elle et de ses membres dont il s’agit.

Dans la continuité des précédents, le CNNum sera composé de 30 membres bénévoles, dont 10 issus de la sphère académique, 10 issus de la sphère économique et 10 issus de la société civile. Tous seront nommés intuitu personae, pour leur vision, ouverture et expérience. Ils s’engageront à ne pas représenter des intérêts privés ou ceux de leur institution pour alimenter le débat d’idées et travailler collectivement sur les différents sujets du CNNum. L’indépendance de pensée étant notre première condition, j’ai moi-même, en tant que Présidente, constitué et proposé au Secrétaire d’Etat chargé au Numérique et au Premier Ministre un collectif qui me semblait le plus approprié pour accomplir cette mission à mes côtés.

Ainsi :

Avec Michèle Sebag, chercheuse au CNRS et experte en intelligence artificielle, Clémentine Gallet, fondatrice de Coriolis Composites, acteur mondial de la fabrication de machines de dépose de matériaux composites, Amandine Brugière, responsable des études et de la prospective au sein de l’Agence Nationale de l’Amélioration des Conditions de Travail, nous évaluerons les conséquences des percées actuelles de l’intelligence artificielle et de la robotisation sur notre modèle social, et nous réfléchirons à la meilleure manière d’accompagner la population active et les entreprises dans cette transformation des métiers, des usages et des modes d’organisation du travail. Avec Pierre-Yves Geoffard, de l’Ecole d’Economie de Paris et Nguyen Tran, médecin, de l’Ecole de Chirurgie de Nancy, le CNNum évaluera les conséquences sur notre modèle de protection sociale et notre système de santé.

La révolution numérique modifie en profondeur les questions de souveraineté, de stratégie, d’éthique et de gouvernance internationale. Avec Frédérick Douzet, de la chaire CASTEX de cyberstratégie, Rand Hindi, entrepreneur pionnier dans l’usage de l’intelligence artificielle et du respect de la vie privée avec sa startup Snips, Benoît Thieulin, fondateur de l’agence La Netscouade et Celia Zolynski, professeur de droit privé à l’Université de Versailles Saint Quentin, spécialistes des sujets de régulation européenne et internationale liés aux enjeux numériques, nous creuserons les sujets de cyberstratégie ou de cybersécurité, du droit des données et des plates-formes, ainsi que des nouveaux modes de régulation agiles.

Sujet cœur de la transformation numérique, l’éducation sera au centre des thématiques. L’expérimentation et la création deviennent une voie d’acquisition de savoir et de compétences nouvelles, dont chaque citoyen doit pouvoir se saisir. Pour en parler, le CNNum bénéficiera des visions et des expériences de François Taddéi, du Centre de Recherches Interdisciplinaires, d’Hicham Kochman aka Axiom, rappeur et entrepreneur numérique, Jean-Marc Merriaux, de l’Education Nationale et ancien du réseau Canopée, et de Claude Térosier, fondatrice des écoles d’apprentissage du code Magic Makers. Avec Margault Phelip, d’Emmaüs Connect et de WeTechCare, Rokhaya Diallo, essayiste et réalisatrice, Jean-Philippe Delbonnel, élu local de Fleury-les-Aubrais, qui a fait un tour de France des territoires pour recenser les situations numériques, nous veillerons à ce que la fracture numérique soit réduite pour toutes les populations et que le numérique puisse au contraire favoriser l’égalité des chances.

Avec l’agricultrice Perrine-Hervé Gruyer, de La Ferme du Bec Hellouin, Dominique Dron, passée notamment par l’ADEME, l’IFREMER et l’INRA qui a dédié sa carrière au développement durable, ou Xavier Duportet, fondateur du Hello Tomorrow Challenge et grand connaisseur des technologies émergentes, nous débattrons des enjeux écologiques et énergétiques, notamment le futur de l’agriculture, afin d’évaluer la manière dont les technologies numériques peuvent être utilisées au service de la planète, en particulier pour façonner une agriculture efficiente, respectant les ressources et nourrissant sainement une population grandissante.

Avec Aymeril Hoang, en charge de l’Innovation à la Société Générale, Flore Vasseur, romancière et réalisatrice, Antoine Petit, de l’INRIA, institut de recherche en technologies numériques, et l’entrepreneur Gaël Duval, fondateur de JeChange.fr, le CNNum débattra du modèle de financement, afin de le faire évoluer vers une économie et une société audacieuses, humaines et durables.

Laurence Fontaine, historienne au Centre Maurice Halbwach, spécialiste des évolutions du marché nous aidera à mieux la comprendre en tirant profit des leçons de l’histoire. Les expériences d’entrepreneur d’Eric Carreel, fondateur de Withings et Sculpteo, de Pascal Daloz, innovateur au sein du champion français Dassault Systèmes, ainsi que celles de Françoise Mercadal-Delassalles, du Crédit du Nord, au contact direct des entreprises cherchant à financer leur digitalisation, permettront de comparer grandes et plus petites structures sur les problèmes identifiés et les réponses éventuelles à y apporter.

Les transformations induites par le numérique sont telles qu’elles remettent en question les rôles respectifs de l’État et des citoyens. Avec Nadège Guiraud, de La 27e Région, laboratoire d’innovation publique, ou Godefroy Beauvallet, du Conseil Général de l’Economie, nous discuterons de la numérisation des services publics et de l’articulation des droits et des libertés entre citoyens, institutions locales et nationales.

La pluralité des opinions est nécessaire pour alimenter un débat qui doit désormais aller au-delà des frontières historiques du numérique afin d’englober plus largement la société française et sa complexité. Elle est aussi garante de l’indépendance de pensée du CNNum. Mais elle ne saurait être suffisante ni exhaustive. C’est pour cela que le CNNum va se doter d’une galaxie de partenaires et ira encore plus loin dans sa méthodologie de consultations physiques et en ligne. Celle-ci a démontré son efficacité lors de la consultation « Ambition Numérique », qui a nourri la loi pour une République Numérique promulguée le 7 octobre 2016. Notre objectif est que tous les citoyens qui le souhaitent puissent participer au débat et faire porter leur voix.

C’est maintenant et ensemble que nous commençons à expérimenter un demain que nous voulons pensé pour tous !

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